Les ONG en mal de juristes
Catastrophes naturelles, crises humanitaires, les organisations non gouvernementales sont sur tous les fronts. Et les professionnels du droit sont essentiels pour mener à bien leurs missions. Portrait du juriste idéal.
Face à la multiplication des crises mondiales, des catastrophes naturelles comme celles provoquées par l’ouragan Irma, les ONG recrutent de plus en plus de juristes. Il est vrai que ces dernières, en plus de leur rôle premier de secours et de soutien aux populations, dénoncent les manquements des Etats, et font aussi avancer le droit. Polyvalent, le candidat doit être issu d’une formation généraliste lui permettant de traiter à la fois des questions de droit du travail, de droit fiscal, et des contrats. « Les formations favorisées sont celles comme Sciences Po avec une majeure juridique ainsi que des expériences dans des associations », précise Roland Dana, fondateur du cabinet de recrutement Dana Human Capital. Il doit être un expert juridique pointu disposant d’une bonne connaissance des autres métiers de l’organisation. « Il faut être très proche des questions des équipes de terrain. Il faut donc être un bon diagnostiqueur. L’enjeu ne va pas être tant le diagnostic que la solution. Nous sommes là pour établir un cadre de responsabilité clair », affirme Françoise Bouchet-Saulnier, directrice juridique de Médecins sans frontières. C’est pourquoi certaines ONG préfèrent engager des avocats ayant déjà exercé ou des juristes disposant d’expériences de terrain. Des profils pragmatiques sachant s’adapter à des situations diverses, parfois extrêmes, sont aussi recherchés. « Le juriste au sein d’une ONG doit être désintéressé et disposer d’un rapport au droit assez ouvert », insiste Françoise Bouchet-Saulnier. Sans compter que la charge de travail est importante et le salaire beaucoup moins élevé que pour un poste équivalent dans le privé.
« Travailler pour l’intérêt public »
« La particularité de notre poste est que nous travaillons pour l’intérêt public », témoigne Ugo Taddei, avocat italien, travaillant pour l’ONG ClientEarth depuis 2011. Après quatre années passées à traiter de contentieux commerciaux à Milan et à Florence, et un master en droit de l’environnement à l’université de Cambridge, il a décidé de donner un nouveau tournant à sa carrière. « Je voulais faire quelque chose de plus proche des questions vitales de notre époque, donner une voix à l’environnement », confie-t-il. Pour la directrice juridique de Médecins sans frontières, travailler dans une ONG ne signifie pas pour autant être activiste. « Je fais très attention au militantisme. Le droit n’est pas une idéologie », insiste l’auteur du « Dictionnaire pratique du droit humanitaire ». Pourtant, des convictions sont une force pour faire face au décalage le temps de la réalité du terrain et celui du droit. Et les compétences, souvent pointues, acquises sur de tels postes peuvent être utiles pour une carrière politique ou pour intégrer d’autres organisations internationales.
Delphine Iweins
Les Echos, 24-08-2017